Cours pour la 21ème école d’été de didactique des mathématiques
Les recherches sur la complexité épistémique, logique et discursive de l’apprentissage de la preuve ont suscité une abondante littérature au cours des deux dernières décades. Leurs résultats permettent une analyse plus fine des difficultés rencontrées par les élèves et de celles du travail des professeurs pour l’enseignement de la preuve en mathématiques. Ils confortent la conception de situations spécifiques, notamment les situations de validation au sens de la théorie des situations didactiques (TSD), dans lesquelles la preuve fonctionne comme outil de résolution de problèmes et créent les conditions de recevabilité d’une connaissance nouvelle. Cependant, subsiste la difficulté de saisir la preuve comme objet, pour en reconnaitre les spécificités mathématiques et l’institutionnaliser en tant que telle. C’est sur ce problème que portera l’exposé. Il complète les exposés du séminaire national de didactique des mathématiques (2019a) et du CORFEM (2019b).
La première partie de l’exposé sera consacrée à un état de la recherche internationale en reprenant de comptes-rendus de travaux relevant de différentes problématiques qui se distinguent par la façon dont le problème de l’enseignement de la preuve est posé et étudié.
La seconde partie de l’exposé proposera, dans le cadre de la TSD, une
analyse de l’état actuel de la recherche. La TSD est le cadre théorique
de la modélisation des situations d’apprentissage dont l’objectif est
de susciter et accompagner la genèse expérimentale de connaissances
mathématiques déterminées, cependant que, plus généralement, ces
situations « peuvent aider le professeur à faire vivre dans sa classe
une véritable petite société mathématique. » (Brousseau, 1998, p. 112 -
mes italiques). Les situations de validation jouent un rôle clé. Elles
sont un moyen efficace pour la transformation de construits individuels
en un objet de connaissance partagé qui pourra être reconnu
collectivement et institutionnalisé par l’enseignant.e. La validité de
cette connaissance est ainsi attestée, mais le plus souvent en laissant
implicite les fondements de cette décision. L’accord est tacite. La
preuve est un outil, elle n’est pas en elle-même l’enjeu de la
situation—son objet. Cette possibilité limite la portée de ces
situations pour l’apprentissage de la preuve. Pour lever cette
hypothèque, il faut accéder au « schéma de validation explicite », le
mettre en question, en reconnaitre les caractéristiques et les instituer
; alors la petite société de la classe peut prétendre être
véritablement mathématique. Guy Brousseau utilise l’expression «situation de preuve » pour les situations de validation ayant ces
caractéristiques, mais il ne développe pas la modélisation dans cette
direction et n’y revient pas. Je reprendrai l’expression « situation de
décision » qui désigne les situations de validation n’exigeant pas
l’explicitation d’un schéma de validation explicite, elle facilitera
l’identification des types de situations de validation et les
caractéristiques qui les distinguent.
La conclusion de l’exposé portera sur les questions ouvertes pour
l’ingénierie de situations nécessaires à la genèse et la reconnaissance
des normes de la preuve dans la classe de mathématique avant
l’enseignement explicite de la démonstration.