samedi 29 août 2015

The complexity of the epistemological and didactical genesis of mathematical proof

To come soon: an invited lecture at the Math Ed. Doctoral Colloquium at CINVESTAV, ... hereafter a summary of issues I will address:

Students’ mathematical knowledge is first rooted in pragmatic evidences and in the effort to make sense of the content and procedures taught. They develop a true knowledge which works as a tool in problem situations, and is accessible to falsification and argumentation. They can validate what they claim to be true, but based on means which may not conform to current mathematical standards. The theory of didactical situations (TSD) is based on the recognition of the existence of this true knowledge and the analysis of the specific complexity of the teaching situations from an epistemological perspective. It is in this framework that I propose to address the problems raised by the teaching and learning of mathematical proof. The main issue which I will discuss is that the evolution of the students understanding of what count as proof in mathematics implies – and is constitutive of – an evolution of their knowing of mathematical concepts. This discussion will support the claim that the “situation of validation” conceptualized by the TSD must be the starting point of any didactical engineering.

To prepare your participation, here some outlines of the TSD


Calculus, a cK¢ perspective on learners understanding

On the occasion of the international meeting on learning and teaching calculus to be held in Mexico in September 2015, I will address the problem of understanding and modelling students conceptions in this domain.
I will introduce the keynote by a survey of the recent book from Gilbert Arsac about the birth of Uniform convergence and the role played by Cauchy. Then I develop the case of understanding learners conceptions of function. The objective of this talk is to present, taking Calculus as an example, the use of the cK¢ modelling framework and discuss its effectiveness. A workshop may be organized to discuss the relevance and the technicalities of the approach in the case of the research carried out by the audience.

(Long version of the) slides-show in support to the keynote

Pour comprendre la convergence uniforme, revenir aux sources

La convergence uniforme est un concept complexe qui exige la maitrise des concepts de fonction, de continuité, de limite mais aussi celui de variable. C’est ce que nous apprend au terme d’une enquête d’une grande rigueur dans un style très vivant le livre de Gilbert Arsac, « Cauchy, Abel, Seidel, Stokes et la convergence uniforme », paru récemment chez Hermann dont le sous-titre devrait susciter l’intérêt des chercheurs en didactique des mathématiques : « de la difficulté historique du raisonnement sur les limites ».
Le point de départ de l’étude est le cours d’analyse de Cauchy, de 1821, à l’École Royale Polytechnique, dans lequel il énonce que si une série de fonctions continues est convergente « dans le voisinage d’une valeur particulière » alors la somme de cette série est une fonction continue dans ce voisinage (Cauchy, 1821, pp. 131-132).
Avant d’analyser l’explication que Cauchy donne pour justifier ce théorème, Gilbert Arsac examine ce que sont pour les mathématiciens de l’époque les concepts de variable, de fonction, de limite et de continuité, puis, il propose au lecteur un premier exemple de sa méthode d’enquête sur le cas du théorème des valeurs intermédiaires énoncé, lui aussi, dans ce cours de 1821. En outre, très utilement, il dédie un court chapitre au rappel, pour le lecteur contemporain, de la problématique de la convergence uniforme.
      La méthode de Gilbert Arsac lui permet de limiter autant que possible les anachronismes, et donc les interprétations excessives, lors de son analyse dans laquelle il confronte le texte ancien aux écritures et critères de la mathématique contemporaine. On comprend ainsi comment d’une part la relégation au second plan du concept de fonction derrière celui de variable et, d’autre part, la référence aux caractéristiques graphiques des courbes associées aux fonctions continues sous-jacente à une conception cinétique de la continuité, ont pu constituer des obstacles importants à la découverte de la convergence uniforme. Finalement, c’est l’absence d’expression formelle de la continuité et de la convergence, définitions dites en (ε, η), et celle de la quantification qui jouent le premier rôle. Ce qui est en question ici n’est pas la rigueur, car les textes sont aussi rigoureux qu’ils puissent l’être avec les moyens de l’époque et la volonté de rigueur n’est pas moindre que celle d’aujourd’hui, mais la conceptualisation. L’analyse de Gilbert Arsac montre comment les limitations de la formalisation algébrique pèsent sur l’identification de la relation entre variable et fonction, la compréhension des dépendances introduites par l’ordre des quantificateurs universels et existentiels, la maîtrise de la négation d’un énoncé quantifié pour accéder à une caractérisation générale de la discontinuité.
      L’analyse, qui suit, des contributions d’Abel (1826), Seidel (1847) et  Stokes (1847) confirme les limitations que les outils disponibles imposent à la conceptualisation. Abel énonce une exception au théorème mais ne peut en donner de raisons. Seidel introduit la notion de « convergence lente » (notion voisine de la non convergence uniforme locale) pour expliquer la limite discontinue d’une série de fonctions continues mais est limité par la définition disponible de la continuité et de sa négation. Stokes (1847) étudie le problème d’inversion des limites et identifie la source de contre-exemples dans la condition de « convergence infiniment lente » mais dans un langage qui ne permet pas d’aller jusqu’à l’explicitation du concept moderne de convergence uniforme. Ce dernier cas est particulièrement intéressant en montrant le travail d’interprétation nécessaire et par là toute la distance entre ce que Gilbert Arsac appelle « l’outillage mathématique » de l’époque et les mathématiques contemporaines. L’enquête se clôt sur l’étude du texte de Cauchy de 1853 dans lequel il reconnait l’existence de contre-exemples au théorème énoncé en 1821.
      La méthode de Gilbert Arsac, maintenant familière pour le lecteur qui en a suivi la mise en œuvre sur d'autres textes, lui permet de construire fermement et rigoureusement les arguments pour établir que Cauchy est bien le découvreur du critère de convergence uniforme auquel l’histoire a attribué son nom. 

Un mot revient souvent dans le livre de Gilbert Arsac : interprétation. La conscience des limites de l’interprétation et la vigilance à ne pas solliciter les textes, tous reproduits dans l’ouvrage, est au cœur du travail d’analyse. Mais ce mot en cache un autre : modélisation. C’est en fait un travail de modélisation qui est réalisé en mettant en évidence la complexité et les limites de la compréhension des mathématiques de la première moitié du XIX° avec celle de la première moitié du XXI° siècle. Cette modélisation met en évidence l’interaction entre les outils langagiers, logiques et algébriques, et la façon dont les conceptions (compréhension) des notions en jeu contrôlent la construction des preuves qui ne peuvent, à l’époque, être réduites à un calcul algébrique ou logique. Gilbert Arsac évoque des formulations elliptiques ou des quantifications floues, son texte montre que ce sont des symptômes des limites des moyens disponibles et de la conceptualisation scientifique et non des limites des mathématiciens eux-mêmes.  Ainsi, au terme de la lecture, a-t-on moins l’impression d’en savoir plus sur l’histoire de l’analyse et de la convergence uniforme que de comprendre mieux ce concept difficile et techniquement subtil.

Gilbert Arsac (2009) "La démonstration, une logique en situation ?"
(cliquer sur l'image pour accéder à la vidéo)