jeudi 8 mai 2014

An hommage to Juliana Szendrei

Tomorrow, in Budapest, researchers and teachers from Hungary and abroad will meet to pay hommage to Juliana Szendrei who passed away early January this year. I could not join the conference, so it is with this short post that I will participate and share this moment in memory of Juliana.

Beyond conferences and readings, I came to know Juliana Szendrei from a collaboration within the framework of a Tempus project, thanks to the complicity of Paolo Boero who introduced me. I remember our first meeting in Budapest in the mid-90s. It was in the beginning of the winter, the weather was cold and cloudy, the material conditions a bit limited and the use of the technology somewhat uncertain. But Juliana was there. She was so enthusiastic and eager to facilitate everything that very soon I forgot all these difficulties and enjoyed contributing to her project to enhance teacher training and mathematics learning.

As a research leader in mathematics education, Juliana Szendrei was committed to the international movement to improve the research area and to set firm theoretical foundations, including on a topic which I am specially interested in, the learning of mathematical proof. Actually, she was not only a researcher in mathematics education but also a good mathematician, this shades a very special light on her work. In particular, she was aware of the evolution of her own understanding of what a proof is. She shared this view during one of our working sessions. It has then been published in a book on proof edited by Paolo (see below). She views this evolution as a series of steps, from step 1 to a step 7... at step 1, as a "conformist learner", she saw mathematical proof as a "ceremony" the rules of which she was quite able to follow. The rewards of the teacher led her to step 2: the feeling of being part of a community, something like a community of mathematicians. But, Juliana was concerned by the fact that this could result in a split between this community and the rest of the world. So, she found herself better when teaching probability and coming to the belief that "mathematics is about the theory, not about the real coin". I will not describe here all the steps she told she went through, but notice that her understanding of mathematical proof as a mathematics educator was rooted in this awareness of the role of mathematics as a modelling tool, and the role of proof in making this tool so robust and efficient. This understanding that the meaning of a theory rests in the dialectical relationship between the theory and the concrete world is also a mark of her view on research in mathematics education.


Juliana Szendrei primary objective was the concrete enhancement of mathematics teaching and learning in schools as they were, with the curricula as they were at that time. This pragmatic view of her responsibility as a researcher guided her action. Sure she would smile if I took Tomas Varga words to sum up the lesson I learned from her: teaching and learning problems "cannot be settled without further research and deeper insight into the learning process. But we cannot wait until they are".



vendredi 2 mai 2014

Dessin, figure et objet en géométrie

Révisé 08/05/2014

Le problème d'enseignement est connu, probablement aussi ancien que la géométrie elle-même : l'élève raisonne sur ce qu'il voit tracé sur sa feuille comme s'il s'agissait de l'objet géométrique lui-même, aussi lui attribue-t-il souvent des propriétés anecdotiques liées au tracé particulier qu'il a sous les yeux, ou des propriétés de stéréotypes forgés dans les habitudes de représentation silencieusement établies dans la classe. Il faut se méfier de ce que le dessin révèle d'une figure géométrique... aussi, alors que la langue courante considère le plus souvent "dessin" et "figure" comme synonymes pour leur acception scientifique ou technique, les didacticiens proposent-ils de distinguer précisément ces deux termes.

Le CNTRL donne pour "dessin" la définition : "Représentation linéaire de la forme des objets, qui s'exécute à des fins scientifiques, techniques ou industrielles" [*], et pour "figure" la définition : "Ensemble de points, droites, plans, représenté en vraie grandeur ou en perspective, objet d'études mathématiques ou support graphique d'un raisonnement en mathématiques ou dans d'autres sciences" [*]. 

En fait, le mathématicien envisageant une figure géométrique, pense à celle-ci en termes de ses propriétés définitoires et n'évoque le dessin que comme une représentation particulière intéressante pour sa valeur heuristique ou pour exprimer des caractéristiques plus complexes à énoncer en langue naturelle ou symbolique. C'est la raison pour laquelle des chercheurs en didactique ont choisi de forcer la distinction en formulant des définitions différentes, mais reliées, de "dessin" et "figure".

Bernard Parzysz [*] notamment, a proposé de définir "figure" comme étant l'objet géométrique décrit par le texte qui le définit, et "dessin" comme l'une des représentations matérielles possibles de cet objet.  Cette proposition consiste, en fait, à mettre en relation, articulées sur le même objet géométrique invoqué, deux représentations de natures différentes en attribuant à l'une d'entre elles, "le" texte, une fonction définitoire. Pour reprendre les termes de Duval [*], la solution proposée revient en fait à juxtaposer deux représentations sémiotiques, l'une discursive (le texte descriptif) et l'autre non discursive (le dessin matériel). Malheureusement, dans une perspective didactique, le problème reste entier : si les élèves sont confrontés à deux représentations d'un objet géométrique, comment peuvent-ils les situer l'une par rapport à l'autre, et chacune relativement à l'objet géométrique auquel renvoie le problème qui leur est posé. Le texte, comme le dessin, est un signifiant qui dénote un objet géométrique mais ne se confond pas avec lui.

Une solution pour dépasser cette difficulté et rendre compte d'une différence de nature entre "dessin" et "figure", en préservant une relation forte, est proposée par Laborde et Capponi en se plaçant dans le cadre général de la sémiotique saussurienne qui articule référent, signifiant et signifié :
"En tant qu'entité matérielle sur un support, le dessin peut être considéré comme un signifiant d'un référent théorique (objet d'une théorie géométrique comme celle de la géométrie euclidienne, ou de la géométrie projective). La figure géométrique consiste en l'appariement  d'un référent donné à tous ses dessins, elle est alors définie comme l'ensemble des couples formés des deux termes, le premier terme étant le référent, le deuxième étant l'un des dessins qui le représente ; le deuxième terme est pris dans l'univers de tous les dessins possibles du référent. Le terme figure géométrique renvoie dans cette acception à l'établissement d'une relation entre un objet géométrique et ses représentations possibles." (Laborde et Capponi 1994 pp.168-169)
En somme, et c'est là tout l'intérêt de cette idée, la figure est une classe d'équivalence de dessins à laquelle on accèdera par l'un de ses (bons) représentants comme cela se fait classiquement en mathématique. Encore faudra-t-il ne pas confondre la classe et son représentant, ce à quoi on sait bien que nos étudiants sont prompts. Mais, le vrai problème est ailleurs, dans la dernière phrase de la citation précédente et le renvoie, un peu avant, au "référent donné". Quel est ce référent ? Il s'agit, bien sûr, de l'objet géométrique qui a justement bien du mal à s'imposer comme référent parce que, sujet de l'idéalité mathématique, il échappe largement aux tentatives de matérialisation. De plus, invoquer la classe de tous les dessins ne résout pas le problème car cette classe est par nature indéfinie et potentiellement infinie. 

Il faut s'y résoudre, l'objet géométrique échappe à la représentation ou ne s'y soumet que partiellement, en tout cas toujours au risque d'un malentendu. Que faire... une perspective de solution est ouverte par Gilles-Gaston Granger, qui suggère qu'en mathématiques...
"l'objet n'est [...] rien d'autre ni rien de plus que l'invariant, ou le support, d'un système d'opérations. Degré zéro du contenu, cet invariant n'est pas décrit : il n'apparait pour ainsi dire que comme un creux, si l'on tente en vain de le détacher du système opératoire." (Granger 1994 p.41)
Ce que nous pourrions reformuler en disant que l'objet géométrique est un référent abstrait (idée, signifié) dont la nature est sans cesse saisie et questionnée par l'ensemble des représentations qui lui sont associées et des actions (système opératoire) mises en œuvres sur ces représentations lors de la résolution de problèmes ou l'accomplissement de tâches l'invoquant. Nous n'avons de l'objet géométrique qu'une conception caractérisée par  la donnée simultanée et reliée des systèmes de représentation, des ensembles d'actions et des problèmes qui l'invoquent. On reconnait là la caractérisation d'un concept de Gérard Vergnaud. Pour ce qui est des solutions proposées initialement par Parzysz, Laborde et Capponi, on peut remarquer que le texte descriptif associé à un objet géométrique est la meilleure caractérisation dont on dispose de la classe des dessins (matériels) qui lui seraient associés. Ces deux caractérisations peuvent donc être rapprochées, ce que nous proposons de faire en les complétant par celles des problèmes dans lesquels les représentations et les actions correspondantes sont opératoires et valides. Le cadre de modélisation cK¢ peut contribuer à mettre en forme cette solution et à la rendre opérationnelle pour fournir des outils pour la conception de situations d'apprentissage en géométrie.