École thématique du GDR DEMIPS, CNRS
Autrans 4-7 avril 2022
En hommage à Gérard Vergnaud (1933-2021) |
École thématique du GDR DEMIPS, CNRS
Autrans 4-7 avril 2022
En hommage à Gérard Vergnaud (1933-2021) |
Cours pour la 21ème école d’été de didactique des mathématiques
Les recherches sur la complexité épistémique, logique et discursive de l’apprentissage de la preuve ont suscité une abondante littérature au cours des deux dernières décades. Leurs résultats permettent une analyse plus fine des difficultés rencontrées par les élèves et de celles du travail des professeurs pour l’enseignement de la preuve en mathématiques. Ils confortent la conception de situations spécifiques, notamment les situations de validation au sens de la théorie des situations didactiques (TSD), dans lesquelles la preuve fonctionne comme outil de résolution de problèmes et créent les conditions de recevabilité d’une connaissance nouvelle. Cependant, subsiste la difficulté de saisir la preuve comme objet, pour en reconnaitre les spécificités mathématiques et l’institutionnaliser en tant que telle. C’est sur ce problème que portera l’exposé. Il complète les exposés du séminaire national de didactique des mathématiques (2019a) et du CORFEM (2019b).
La première partie de l’exposé sera consacrée à un état de la recherche internationale en reprenant de comptes-rendus de travaux relevant de différentes problématiques qui se distinguent par la façon dont le problème de l’enseignement de la preuve est posé et étudié.
La seconde partie de l’exposé proposera, dans le cadre de la TSD, une
analyse de l’état actuel de la recherche. La TSD est le cadre théorique
de la modélisation des situations d’apprentissage dont l’objectif est
de susciter et accompagner la genèse expérimentale de connaissances
mathématiques déterminées, cependant que, plus généralement, ces
situations « peuvent aider le professeur à faire vivre dans sa classe
une véritable petite société mathématique. » (Brousseau, 1998, p. 112 -
mes italiques). Les situations de validation jouent un rôle clé. Elles
sont un moyen efficace pour la transformation de construits individuels
en un objet de connaissance partagé qui pourra être reconnu
collectivement et institutionnalisé par l’enseignant.e. La validité de
cette connaissance est ainsi attestée, mais le plus souvent en laissant
implicite les fondements de cette décision. L’accord est tacite. La
preuve est un outil, elle n’est pas en elle-même l’enjeu de la
situation—son objet. Cette possibilité limite la portée de ces
situations pour l’apprentissage de la preuve. Pour lever cette
hypothèque, il faut accéder au « schéma de validation explicite », le
mettre en question, en reconnaitre les caractéristiques et les instituer
; alors la petite société de la classe peut prétendre être
véritablement mathématique. Guy Brousseau utilise l’expression «situation de preuve » pour les situations de validation ayant ces
caractéristiques, mais il ne développe pas la modélisation dans cette
direction et n’y revient pas. Je reprendrai l’expression « situation de
décision » qui désigne les situations de validation n’exigeant pas
l’explicitation d’un schéma de validation explicite, elle facilitera
l’identification des types de situations de validation et les
caractéristiques qui les distinguent.
La conclusion de l’exposé portera sur les questions ouvertes pour
l’ingénierie de situations nécessaires à la genèse et la reconnaissance
des normes de la preuve dans la classe de mathématique avant
l’enseignement explicite de la démonstration.
L'exposé comprendra trois parties : (1) la problématique du modèle cKȼ dans le cadre de la théorie des situations didactiques et de la théorie des champs conceptuels, (2) la caractérisation des conception en insistant sur la notion de contrôle et la notion de µ-objet, (3) son potentiel pour analyser la complexité épistémique des mathématiques en revenant notamment sur la notion d’unité cognitive dans la résolution de problème proposée par Garuti, Boero et Lemut, et la caractérisation de théorème par Mariotti.
« Dès le plus jeune âge mettre en œuvre un apprentissage des mathématiques fondé sur la manipulation et l’expérimentation ; la verbalisation ; l’abstraction. »Cette mesure est en résonnance évidente avec les concepts et les modèles de la théorie des situations didactiques. La mise en œuvre d’un tel apprentissage appelle la conception et l’organisation dans la classe de situations adaptées et favorables. C’est à cela que répond la séquence classique – situation d’action, situation de communication, situation de validation – modélisée par la théorie des situations didactiques (et à quoi elle ne se réduit pas). Il est à ce sujet important de souligner que si ce séquencement est celui de l’apprentissage, il est à l’inverse du séquencement de la conception des situations : les connaissances dont l’apprentissage est visé déterminent les types de validation qui eux-mêmes requièrent des compétences langagières et des représentations. La situation d’action est la porte d’entrée dans le processus d’apprentissage en engageant des connaissances initialement disponibles qui évolueront, se modifieront ou seront rejetées et remplacées par les connaissances visées. L’enseignant est présent tout au long de ce parcours, il crée les conditions de l’engagement de l’élève, il l’accompagne en adaptant ses interventions et, au bout du chemin, il identifie, nomme, ce qui est appris. Dans ce cadre, on le comprend, l’erreur n’est pas une faute mais appartient de façon naturelle aux efforts d’exploration, aux tentatives de solution ; elle est constitutive de l’apprentissage (p.15). Enfin, de telles situations « sollicitent [la] créativité [des élèves], développent leur motivation, encouragent leur esprit d’autonomie et d’initiative » (p.58). L’ingénierie didactique rassemble les méthodes et les outils pour concevoir de telles situations et leurs séquencements en s’appuyant sur les modèles et les concepts de la théorie des situations. Elle répond pleinement à la volonté d’apporter à l’enseignant « [qui] ne se voit pas comme un technicien "exécutant" mais comme un professionnel » les connaissances pour le rendre « capable d’analyser sa propre pratique » (p.19). En adoptant l’ingénierie didactique comme approche structurante, la formation s’articulera sur « la pratique du métier, permettant ainsi aux enseignants de s’approprier des notions de didactique des mathématiques, de la maternelle au cycle 3 » (p.13).
« Rééquilibrer les séances d’enseignement de mathématiques : redonner leur place au cours structuré et à sa trace écrite ; à la notion de preuve ; aux apprentissages explicites. »Il y a quelques décennies, il n’aurait été question que de la démonstration. L’accent mis ici sur la notion de preuve est significatif. Il permet notamment de vouloir sa présence dès le cycle 1 et d’envisager l’apprentissage dans la durée. L’apprentissage de la démonstration sera alors une étape particulière, préparée par la prise de conscience progressive de la nature et du rôle de la preuve, et l’acquisition de compétences de validation associées au fil du développement de la connaissance. La section 3.1.2 du rapport dédiée à « La preuve » (pp.25-26), par la variété des formulations, illustre toute la difficulté de cet enseignement : « démarche de justification argumentée », « formes d’argumentation propres aux mathématiques », « démonstration » ; la même difficulté se retrouve dans les programmes de 2016 (compétences mathématiques, raisonner). Argumentation, preuve, démonstration ne sont pas synonymes, ces termes renvoient à des productions dont les caractéristiques sont différentes, et sont le produit d’activités – argumenter, prouver, démontrer – qui n’ont ni la même nature, ni la même fonction dans les mathématiques et leur pratique collective, ni la même complexité conceptuelle et langagière. Depuis une trentaine d’années, la recherche en didactique des mathématiques a largement documenté ces questions et produit des résultats sur lesquels on peut s’appuyer. Il est remarquable que les recherches internationales dans ce domaine se soient si largement multipliées, avec la publication de très nombreux articles, livres et la tenue de conférences. La formation des enseignants sur l’enseignement de la preuve, dès les premières années, pourra ainsi s’appuyer sur un large corpus de résultats et d’exemples de situations de classes utilisées pour ces recherches.
Balacheff N. (2019) Contrôle, preuve et démonstration. Trois régimes de la validation. In: Pilet J., Vendeira C. (eds.) Actes du séminaire national de didactique des mathématiques 2018 (pp.423-456). Paris : ARDM et IREM de Paris - Université de Paris Diderot.texte accessible en ligne [ici]
Brousseau G. (2000) Que peut-on enseigner en mathématiques à l'école primaire et pourquoi ? Repères IREM 7-10, n° 38 Topiques éditions.
Duval R. (1992) Argumenter,démontrer, expliquer. Continuité ou rupture cognitive ? Petit X, 31 pp. 37-61.DGESco (2008) Raisonnement et démonstration. Ressources pour les classes de 6e, 5e, 4e, et 3e du collège. EduSCOL. Paris : Ministère de l’éducation nationale.DGESco (2016) Raisonner. Ressources d'accompagnement du programme de mathématiques (cycle 4). Eduscol. Paris : Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
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ARDM |
"Modéliser une situation d'enseignement consiste à produire un jeu spécifique du savoir visé, entre différents sous-systèmes : le système éducatif, le système élève, le milieu, etc." Mais, écrit Brousseau (1986/ in 1998 p.80), "Il ne s'agit pas de décrire précisément ces sous-systèmes autrement que par les relations qu'ils entretiennent dans le jeu."Ainsi le jeu, source de motivations, peut par ses règles, ses représentations et ses stratégies, accompagner l'apprenant vers la connaissance enjeu de l'apprentissage.
- Au regard de la connaissance : "le jeu doit être tel que la connaissance apparaisse sous la forme choisie, comme la solution, ou le moyen d'établir la stratégie optimale [...]" (ibid. p.80)
- Au regard de l'activité d'enseignement :"le jeu doit permettre de représenter toutes les situations observées dans les classes (sinon les déroulements particuliers) même les moins satisfaisantes dès lors qu'elles parviennent à faire apprendre à des élèves une forme de savoir visé. Il doit pouvoir engendrer toutes les variantes, même les plus dégénérées. Elles seront obtenues par le choix des valeurs de certaines variables caractéristiques de ce jeu." (ibid. p.81)
"L'analyse de ces conceptions, qu'il faudra que l'élève possède ou évite, est inséparable de celle de la famille des situations spécifiques où elles prennent leur fonction et utilité. Toutes les deux sont inévitables dans toute entreprise qui prétendrait à la fois fournir une théorie dotée de ses méthodes de confrontation (probablement spécifiques aussi) et de techniques didactiques continument contrôlable par les enseignants" (Brousseau 1980 RDM 1.1 p.46)Dans le même volume (p.80) Régine Douady insiste :
"Le problème didactique est de reconnaitre et décrire, à travers les actions et démarches des enfants placés dans une situation d'apprentissage, les modèles mathématiques qui expliquent, justifient ces actions et démarches."En d'autres termes, la proposition de Douady est de produire des modèles mathématiques des conceptions dont Brousseau pose qu'elles sont indissociables des situations. Il faut entendre ici situation au sens de ce qui va, dans l'interaction entre l'élève et le milieu, être la source de problèmes mobilisateur des conceptions. Ces conceptions pouvant être, dans une perspective mathématique, erronées ou inadaptées et ce qui fait problème étant finalement largement déterminé par les conceptions initialement disponibles, la production de modèles tels qu'évoqués par Douady est un défi. C'est celui que relève la proposition de modélisation cK¢ notamment en formalisant la dualité entre problèmes et conceptions.
La conférence PMENA a lieu du 14 au 17 novembre à Chicago."Understanding learners' understanding is a key requirement for an efficient design of teaching situations and learning environments, be they digital or not. This keynote outlines the modeling framework cK¢ (conception, knowing, concept) created with the objective to respond to this requirement, with the additional ambition to build a bridge between research in mathematics education and research in educational technology. After an introduction of the rationale of cK¢, some illustrations are presented. Then follow comments on cK¢ and learning. The conclusion evokes key research issues raised by the use of this modeling framework."